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Sainte Maxence

 Bibliographie:

• Pierre Joannon, Histoire de l’Irlande et des Irlandais, Perrin, 2006
• Roland Marx, Histoire de la Grande Bretagne, Colin, 1985
• Dom Louis Gougaud, Les Chrétientés celtiques, Lecoffre, 1911
• Olivier Loyer, Les Chrétientés celtiques,L PUF, 1965
• Daniel-Rops, Le mystère irlandais, Paris, 1956
• Jules-César, Commentaire de la Guerre des Gaules, Hachette, 1917
• Claude Carlier, Histoire du duché de Valois, T.1, Guillyn, 1764
• Pierre Louvet, Histoire de la cité de Beauvais et antiquité du pays de Beauvaisis, Manassey de Préaulx, 1614
• Louis Grave, Précis statistique du canton de Pont Sainte Maxence, arrondissement de Senlis, A. Poitou, 1937
• René Blanchon, Les rues de Pont Sainte Maxence, Office d’Edition de livre d’histoire, collection Monographies des villages de France, 1985
• Pierre-Yves Lambert, « Les débuts de l’Eglise irlandaise », in Histoire du Christianisme, T.3: Les Eglises d’Orient et d’Occident (432-610), Desclee, 1992
• Saint Patrick, Confessio
• Saint Patrick, Épitre à Coraticus.
• Myles Dillon, Les royaumes celtiques, Crozon, 2001

Si les origines de Pont Sainte Maxence sont anciennes et obscures, la biographie de la Sainte dont la ville porte le nom ne l’est pas moins. Légende et histoire se mêlent si étroitement qu’il est bien difficile d’en extraire des données précises et sûres, une vérité rationnelle et scientifique. L’époque est ancienne et la documentation rare et lacunaire. Cependant dans le domaine de l’hagiographie comme dans beaucoup d’autres, il n’y a pas de génération spontanée et des sources médiévales nous renseignent. Certains auteurs nous diront que seulement ses reliques sont venues sur les bords de l’Oise, d’autres non moins sérieux pensent avec légitimité qu’elle est bien venue vivre dans notre cité.

Son culte est déjà attesté au VIIème siècle et une Passio de la Sainte a été écrite au Moyen Age dont une copie existe à la Bibliothèque Nationale.

 

Que peut-on donc dire de Sainte Maxence ?

La tradition fait d’elle une princesse irlandaise chrétienne, fille d’un certain Malcolm (ou Malcus), roi des Scots, convertie au christianisme par Saint Patrick apôtre de l’Hibernie à la fin du Vème siècle.

En effet, l’Hibernie, nom latin de l’Irlande, dont Jules César parle dans son Commentaire de la Guerre de Gaules (Livre V), est aussi connue du poète satirique du 1er siècle Juvenal ou encore de l’historien et homme de lettres contemporain de Néron, Pline l’ Ancien qui y fait allusion dans son Histoire Naturelle aux livre III et IV qu’il consacre à la géographie. C’est la partie romaine, opposée à la Scotie, nom que César donne aux régions de l’Irlande occupées par le peuple scot, dont la langue est toujours parlée comme un dialecte en Ulster.

Le pays des Scots est alors une communauté pastorale subdivisée en une multitude de principautés, avec une société classique se partageant en trois classes: les prêtres (druides), les guerriers et les producteurs. Le roi n’était qu’un noble parmi les autres, et pouvait facilement être destitué. Il était conseillé par le Grand Druide. Cependant, il semble que le pouvoir de ces mages était déjà très affaibli lors de l’apparition du christianisme.

Le roi, ou ri, est élu par les hommes libres, élection quant à la personne, mais dynastique quant à la famille. Il règne sur un des cent cinquante tuath, sorte de canton, qui forment alors l’Irlande. Le roi Malcolm fut sans doute l’un d’entre eux.

Les origines du christianisme en Irlande sont très mystérieuses, Daniel-Rops parle de « miracle » dans un livre intitulé Le Mystère Irlandais.

Saint Prosper d’Aquitaine, auteur attesté, raconte dans sa Chronique datée de 434, qu’en 431, le pape Célestin envoie le diacre Palladius « aux Scots qui croyaient au Christ » et le désigne comme évêque. On peut donc supposer que des communautés chrétiennes existaient déjà. Mais la mission de Palladius ne fut guère fructueuse « car personne ne peut recevoir sur la terre si le ciel ne l’envoie et ne le donne ». Il fondera tout de même trois Églises: Teach-na-Roman (Maison des Romains), Kill-fine (actuelle Dunlavin) et  Domnach-Ardch (actuel Donard). De plus, Prosper ne parle pas de Saint Patrick, ce qui a fait penser à certains que Patrick et Palladius était la même personne. Mais la plupart les distingue, faisant de Palladius, un gaulois originaire d’Auxerre l’apôtre du Leinter, modestement christianisé, tandis que Patrick aurait évangélisé les régions païennes d’Ulster et de Connaught, sur la côte atlantique.

Saint Patrick, bien qu’il ait commencé son apostolat seulement un an après Palladius, éclipse complètement son comparse et devient le saint patron de l’Irlande

Fils d’un diacre peu zélé qui servait l’armée romaine comme décurion, Patrick, Maewyn Succat en gaëlique, naquit, selon une tradition communément admise dans l’ouest de la Bretagne insulaire romanisée, sans doute au pays de Galles vers 390. A seize ans il est enlevé par des pirates et vendu à un druide. Chargé des troupeaux du mage, il s’abîme dans la prière et mène une vie intérieure intense. Il réussit à s’échapper six ans plus tard. Éveillé à sa vocation, il vient à Marmoutiers près de Tours, à Lérins en face de Canne et à Auxerre où il reste dit-on pendant quinze ans. Au milieu des moines il parfait sa formation.

C’est tout de même sur le terrain défriché par Palladius que se greffe la mission de Patrick que nous connaissons par ses Confessions. Dans ce document autobiographique, il nous apprend que son père est le diacre Calpurnius, lui-même fils du prêtre Potitus. Sa mère aurait été, mais cela n’est pas démontré, une nièce de saint Martin de Tours. C’est en tous cas un Breton de culture latine.

Comme tous les pays d’Europe, les Iles britanniques eurent à subir les invasions germaniques et scandinaves, jusqu’à la bataille d’Hasting en 1066 qui  permet alors l’implantation normande.

Jusque là, la paix romaine n’avait été troublée que par quelques guerillas entre les Scots d’Irlande et les Pictes d’Ecosse, terres de l’extrême nord où d’ailleurs les Romains ne s’étaient pas aventurés. La violence et le désordre vont s’aggraver avec les autres invasions entre le Vème et le XIème siècle.

Sous l’empereur d’Occident Honorius (384-395-408), les frontières de l’est craquent sous la pression des Wisigoths d’Alaric Ier qui forcent les frontières balkaniques pour envahir l’Italie et piller Rome. Donc, vers 410, les dernières troupes romaines mobilisées sur le front de l’est se retirent de  Bretagne. Selon les auteurs de l’époque, tel que Gildas, puis le bénédictin anglo-saxon Bède le Vénérable (672-735), moine de Jarrow, dans sa monumentale Histoire Ecclésiastique du peuple anglais (Historia ecclesiastica gentis anglorum) publiée en 732, les invasions barbares commencèrent après 446. Les royaumes barbares s’installent alors : le Kent en 473 avec les Jutes, respectueux de l’organisation romaine; le Sussex avec les Saxons vers 477; le Norfolk avec les Angles. Ces envahisseurs, s’ils ne sont pas convertis au christianisme arien, sont encore païens, puis deviennent  disposés à composer avec les Églises locales et à respecter les institutions chrétiennes.

Le christianisme est partout attaqué. Répandu depuis le IVème siècle par des missionnaires venus de Gaules et d’Italie, et par d’autres encore d’origine britannique mais formés à l’étranger comme saint Patrick, le christianisme avait fait des progrès considérables surtout dans les villes. La ruine des cités et des écoles, les massacres de prêtres et de prélats, la dispersion des fidèles survivants expliquent l’anéantissement de l’Eglise. La population, toujours attachée à ses habitudes païennes et superstitieuses ne résistèrent guère aux cultes de la nature, à l’exaltation de la force amenée par les nouveaux maîtres. Peu à peu l’héritage celte et romain disparaît, tant du point de vue spirituel que culturel.

Les invasions font des Iles britanniques une terre de mission, à partir de l’Irlande et de Rome. C’est l’époque où le pape Grégoire le Grand (540-604) envoie le prieur du monastère bénédictin Saint André du Mont Coelius à Rome Augustin pour reconstruire l’Eglise celte détruite en fondant avec quarante moines un siège épiscopal à Cantorbéry en 597. Il y convertit le roi jute du Kent Aetelbert dont l’épouse Berthe, arrière petite fille de Clovis était déjà chrétienne. Mais l’Eglise d’Irlande reste indépendante, galvanisée par les initiatives de Saint Colomban (540-615) et des moines d’Iona, animés d’un zèle évangélique ardent.

C’est dans ce contexte historique, d’une Eglise à peine évangélisée qu’elle fut dévastée par les barbares que sainte Maxence a pu décider de sa consécration. Dans les Confessions de l’humble évêque d’Armagh Patrick, on peut lire : « Naguère je baptisais une jeune fille des Scots aussi noble que belle. Six jours plus tard, elle vient me trouver et me dit: un ange m’est apparu; il m’a ordonné de demeurer vierge et de n’avoir d’autre époux que Jésus-Christ. Elle sollicitait avec instance le voile des religieuses. Elle le reçut et combien d’autres vierges et veuves, qui luttent ainsi contre tous les obstacles humains, pour demeurer fidèles à leur époux ». Maxence fut sans doute de celles-ci. Beaucoup de druides et de bardes se convertirent aussi au christianisme, à tel point que la lyre des poètes gaéliques figure toujours dans les armes de l’Irlande.

Convertie à la foi au Christ, la jeune Maxence se consacre dans la virginité, la prière et le recueillement, fuyant les bruits et les tentations du monde. Bien que vivant cachée, elle éveille la convoitise d’un prince du voisinage, originaire de Sythie, encore attaché au paganisme. Emu par sa sagesse et ses charmes, il demande sa main au roi Malcolm, qui lui accorde.

Maxence en fut très troublée et demanda avec ferveur dans sa prière ce qu’elle devait faire. Lorsque le calme fut revenu dans son âme, elle décide de fuir avec sa servante Rosébie et un domestique fidèle du roi son père: Barbance (ou Barbantius). Un exil volontaire qui les conduisit jusque dans le Beauvaisis. Accablée de fatigue la petite troupe s’arrête au bord de l’Oise non loin d ‘une ville appelée alors Litanobriga. Tout le monde ne s’accorde pas pour dire que Litanobriga, signalé dans l’itinéraire de l’empereur Antonin (138-161) est bien Pont Sainte Maxence. Claude Carlier dans son Histoire du Valois l’admet mais cette opinion est contestée puisqu’aucune voie romaine n’aboutit à  Pont Sainte Maxence. Pourtant en 1780, des fouilles dans le jardin du presbytère, peut être à l’occasion de la construction de l’actuelle habitation du curé rue du Moustier, mirent à jour des tombes contenant des fibules, des armures, des médailles romaines.

La légende de la Sainte rapporte qu’elle jeta trois pierres dans l’Oise pour traverser la rivière, alors que sans doute le pont lui était refusé. Ah! Ce pont, déjà difficile à traverser. On dit que ces pierres seraient toujours là entre le pont actuel et l’île de la Plaine. Près d’une fontaine, dit la légende, ils construisirent une cabane et commencèrent à y mener une vie simple et retirée.

Mais le prince bafoué n’en resta pas là. Persuadé qu’il avait été trompé par Malcolm et que le roi avait lui-même organisé la fuite de sa fille promise, força le monarque à lui livrer la cachette de Maxence. Malcolm promit alors que s’il parvenait à la ramener dans son palais il la lui accorderait en mariage. Peut être Malcolm comptait-il déjà sur la ferme détermination de sa fille. Sans perdre un instant, le prince rassembla une escorte nombreuse et poursuivit Maxence « avec l’acharnement d’un chasseur » (abbé Sabatier). Ayant su qu’elle avait franchi la mer pour aller en Gaules, il finit par découvrir l’asile où elle s’était réfugiée et finit par la retrouver.

Il commence par essayer de la persuader par des paroles flatteuses et des promesses. Il tente même de soudoyer Barbantius à prix d’argent. Mais Maxence restait inflexible et fidèle à sa consécration. L’amour du jeune prince alors se transforme en fureur sanglante. Il décide encore de lui faire peur par des menaces  et finit par lui trancher la tête, n’épargnant dans sa folie meurtrière ni Rosébie, ni Barbantius. Puis, souillé par ce triple meurtre, il rentre dans son pays.

Les habitants de la cité des bords de l’Oise recueillent le corps de celle qui naissait au ciel avec la double couronne de vierge et de martyre. Plus tard, on éleva sur sa tombe une chapelle et un prieuré, et Maxence devint la patronne de la ville.

Le culte de la Sainte est comme je l’ai déjà dit, attesté depuis le VIIème siècle et la ville prit le nom de la Sainte, pour s’appeler désormais: Pont Sainte Maxence.

Sa mémoire resta forte dans les trois royaumes des Iles Britanniques jusqu’à l’époque de la rupture anglicane au XVIème siècle. En Irlande, Maxence est fêtée le 24 octobre; en Angleterre le 6 avril, en Écosse, comme en France le 20 novembre.

On dit que même Charlemagne (747-814) visita son tombeau et fit don de vignes et de forêts au prieuré de la ville.

En 673, le maire du Palais de Neustrie, le violent et despotique Ebroïn (+ vers 683) avait été destitué, tonsuré et enfermé à l’abbaye de Luxeuil en Franche Comté, monastère fondé par l’irlandais Saint Colomban en 590. Échappé de sa « prison monastique », il prend la tête d’une troupe contre le roi Thierry III en Austrasie, alors que le roi était réfugié dans son palais de Nogent les Vierges (actuel Nogent sur Oise). Le chroniqueur de l’époque que les historiens appellent le « premier continuateur de Frédégaire », un moine de Laon, rapporte dans son ouvrage qui recouvre les années 642 à 736 qu’il passa l’Oise à Pont Sainte Maxence.

Une chapelle était construite sous le vocable de Sainte Maxence, sur la route de Senlis, en dehors de la ville, sur le lieu présumé du martyre de la Sainte. On y faisait chaque année un grand pèlerinage le lundi de Pentecôte. Cette chapelle sera reconstruite en 1699, puis à nouveau démolie en 1794.

Les précieuses reliques de Sainte Maxence disparurent semble-t-il pendant la révolution, et pourtant jusqu’à aujourd’hui la ville de Pont n’a cessé d’évoquer son martyr et de l’invoquer dans la prière quotidienne.

Son nom jusqu’alors attaché à l’église de Pont, deviendra en 1997 le nom de l’ensemble de la paroisse constitué de la ville de Pont et des villages alentour (Sarron, Cinqueux, Monceaux, Brenouille, Angicourt, Les Ageux, Saint-Martin Longueau, Beaurepaire, Fleurines, Pontpoint, Rhuis et Roberval) selon la réforme de Mgr Guy Thomazeau évêque de Beauvais-Noyon-Senlis, qui recouvre grosso modo le territoire du canton.

Chaque année, le troisième dimanche de novembre la Sainte est fêtée par une messe solennelle dans l’église de Pont Sainte Maxence, au cours de laquelle les fidèles font une procession jusqu’à l’autel qui lui est dédié dans la partie sud du déambulatoire. Dans cette chapelle on peut voir un autel sous lequel est représenté le gisant de la Sainte. Au dessus de l’autel, une statue où est représentée avec la palme de martyr, l’épée qui est l’instrument de son martyr et la couronne des vierges. Les vitraux évoquent les différents moments de sa vie et de sa mort.

On y vénère aussi une icône à son effigie, peinte avec beaucoup de foi et de talent par une paroissienne, selon les codes de l’iconographie byzantine.

C’est aussi l’occasion de la foire et de la fête foraine de la ville.